Le syndrome dépressif chronique. Tel est mon diagnostique. Qu'est-ce que les médecins mettent derrière ce terme ? Les soignants ? Les proches ? Les gens non-concernés ? Même ceux qui le sont d'ailleurs. Toute personne ayant ce syndrome ne le vit pas de la même manière. Certain diront que cela arrive à tout le monde ; que l'on passe tous par une phase de "moins bien" au cours de la vie. Et puis, il y a toujours pire que soi, n'est-ce pas ? Pour d'autre, il faut se bouger, ce n'est pas de ne rien faire que ta condition va changer. C'est ta faute si tu en est là, tu n'avais qu'à faire ce qu'il fallait quand il était encore temps. Et puis il y a ceux, qui ont tout vécu, qui comparent et disent que tu exagères. S'il avait fallut qu'ils se mettent en boule à chaque problème, ils n'en seraient pas là aujourd'hui. Il y a aussi ceux qui aimeraient comprendre mais n'y arrivent pas, qui malgré tout pensent que s'ôter la vie est égoïste et lâche. Il y a ceux qui aimeraient agir pour atténuer la douleur de l'autre. Ceux qui par compassion parfois pleurent de désespoir devant tant de souffrance dirigée vers une seule personne. Il y a ceux qui veulent bien faire, mais qui font des erreurs, et au lieu de s'en excuser et de tenter de passer à autre chose, préfèrent abandonner car c'est trop dur d'être proche de quelqu'un comme cela. Et c'est vrai. Il y a ceux, qui malgré leurs propres émotions essuient la tempête sans qu'on ne leur demande rien. Il y a ceux qui sans le savoir apportent du baume à un cœur meurtri. Il y a ceux qui de tous leur cœur nous aime, même si on le rend parfois mal…
Eh bien, je vais seulement vous parler de mon expérience puisque c'est celle-ci que je connais. Avoir un syndrome dépressif chronique, c'est être sans cesse dans un ralentissement psychomoteur alors que les idées fusent dans la tête. C'est constamment lutter contre les pulsions suicidaires ; et si je me jetais sous cette voiture ? Et si je me mettais dans le fossé en voiture ? Et si je m'empalais sur un couteau de cuisine ? Et si avec un trocart soigneusement ramené du travail je trouvais l'artère du poignet pour me vider de mon sang, sans effusions dramatiques ? Et si je me laissais mourir de faim ? Et si je me laissais mourir de froid ? Et si je prenais enfin tous les médicaments que j'avais prévu à l'avance pour faire l'effet d'un cocktail léthal, bien qu'ils soient périmés désormais ? Des "si," comme ceux-ci, j'en ai une centaine à la minute, en moyenne. Eh puis ma dépression chronique, étant presque une entité à part entière prend de plus en plus de place en moi. À tel point que je ne peux sortir de ma chambre parfois, encore moins de mon lit, je peux rester des heures et des heures immobile, grelottant, sanglotant, ruminant, jusqu'à ce qu'on vienne me voir ou que l'appel des médicaments sédatant vienne jusqu'à moi.
La plupart du temps, j'arrive à faire une pause dans tout cela, lorsque je fais quelque chose que j'aime ou lorsque je suis utile ; donc au travail, lorsque j'écris, j'en profite même pour tout exorciser à ce moment-ci, lorsque je chante, que je fais de la musique, que je peints, lorsque je vois mes meilleures amies, celles avec qui je ne joue pas de rôle. Malheureusement, ces derniers temps, même celles-ci ne me font plus le même effet qu'avant. Elles avaient le don de me redonner la joie de vivre, de recharger mes batteries. Et c'était réciproque il me semble. Désormais, j'ai peur de dire le moindre mot par peur de leur réaction, par peur de les vexer ou qu'elles m'abandonnent pour de bon. Tout le monde fait des erreurs, moi la première. Personne n'est parfait mais tout le monde a la capacité de s'excuser pourtant. Mais je ne sais plus. Comment me comporter autour d'elles, je crois que je les ai bien fatiguées avec mes histoires de maladies, mes sauts d'humeur, mes appels à l'aide beaucoup trop subtiles. Je suis fatiguée de quémander de l'attention car je ne suis pas un être fait pour être seul. J'en ai marre de déranger les gens dans leurs belles vies pour dire à quel point la mienne est misérable. C'est nul de faire cela, elles n'y peuvent rien du tout. Tout cela les culpabilise et moi me conforte dans ma solitude et l'incompréhension.
C'est lorsque l'on a tout pour être heureux qu'on galère le plus à l'être... ou c'est peut-être juste moi. À vous qui lisez ces lignes et qui ressentez de près ou de loin ce que je ressens : vous n'êtes pas seul.